« Jamais plus jamais » : Combien de fois, les lendemains de cuite, on se répète cette phrase ? Pourtant on le sait bien avant de s’en plaindre que les mélanges et les malts de mauvaises qualités ne nous laisseront qu’une enclume en guise de remerciement au réveil. Mais indéniablement, on y retourne sûr d’avoir trouvé la formule miracle et la rechute est inévitable. Pour ma ganache, le « jamais plus jamais » s’est réellement produit en octobre 2000, après des années passées à enchainer les malts de qualités supérieures sans surprise au réveil. Puis, on commence à mélanger, les plaintes se font de plus en plus persistantes, la qualité disparait au détriment de la quantité. Et hop, plus rien, on en fait le deuil, on se croit fier, on se vante, laissant les compagnons de mines sur le bas côté. Sûr de mon mental, pourquoi refuser l’invitation de goûter une dernière fois à l’interdit avec un nouveau single barrel « Les règles de l’Art » distillé par deux moines de l’underground parisien Emoaine et Freez de la distillerie STAMINA. Retour en enfer pour autant ? Non juste un péché qui rappelle que la délectation d’un art s’annexe par le savoir-faire de vrais passionnés.
Il y a des couleurs et des odeurs qui ne trompent pas. Sombre et froid dans sa robe, conscient et sans compromis quand le liège se détache du verre, le savoir-faire de la distillerie STAMINA ne se dissocie aucunement de la tradition des distilleries de renommées hexagonales. Par contre, pour chercher du houblon séché au soleil, vous faites fausse route, ici la production de la matière première a un goût de métal et une odeur de poussière brulée, qui atteste de l’origine de parisiens du nord (datation XVIIIe arrondissement). Vous doutez de la qualité ? STAMINA ouvre les portes de la distillerie avec une visite des lieux en douze étapes et deux surprises si on stagne en-dessous du 0,5 gramme par litre d’alcool lyrical dans le sang.
Petit florilège de cette visite :
Si vous vous attendiez à un accueil façon « Disneyland » avec cave aseptisée et panneau flashy : c’est raté, car chez STAMINA tout se passe dans les règles de l’art et dès l’intro la froideur de la boucle de piano vous fissure comme l’effet d’un single grain sur un glaçon. On rappelle les règles du taff : la qualité et la satisfaction du consommateur bien avant les profits. Et mieux vaut ne pas venir pleurer si on ne tient pas la distance, pas de place pour les indécisions, on reste droit, pas la peine de se la mettre si c’est pour avoir peu de visions saines, surtout quand Emoaine se colle à la prod avec une tourbe funk mélancolique. Si vous êtes amateurs de Straigh Bourbon vous aurez l’opportunité de croiser Chilea’s producteur indépendant et de taper la tchatche sur cette passion. Lui, devrait vous expliquez son attirance très sobre pour l’électro à la Black Milk pendant que la dégustation d’un Aki La Machine (même datation, XVIIIe) associée à la touche d’Emoaine et Freez vous fera apprécier leur caractère lyrical très fruité. Mais attention, ici on est entre pote, donc prévoyez un lendemain de fête en petite forme dû à la dépendance que créée la consommation des Règles de l’art, car le liquide kick les oreilles comme une réminiscence des open whiskies des caveaux de la capitale. Le sevrage peut être violent et l’âme à vif vous risquez de replonger lourdement. Et ce n’est pas le brassage réalisé par Emoaine ou l’amidon ajouté sur le papier par Freez qui va refroidir vos envies d’embrouille. Et pas la peine d’aller demander réparation à la distillerie STAMINA, car vous risquez d’être accueilli avec du goudron et des plumes sur un beat lourd et saturé concocté dans de l’alambic de cuivre et de bitume. Pas de label bio pour les paroles, ce genre d’alcool reste forcément interdit aux oreilles frêles et aux femmes enceintes (d’après les médecins), et en cas de doute une nouvelle tournée devrait attester de l’utilisation brute du malt de l’asphalte.
J’avais dit : « jamais plus jamais », le whisky rap français c’est fini, cette zone de production n’apporte plus rien et la suspicion de lâcher, année après année, du scotch frelaté par des distilleries de pacotille misant sur le packaging, plutôt que sur le boisé de ce liquide m’avait conforté à enterrer définitivement tout intérêt. Mais lassé de regarder les cadavres des bouteilles usées et abusées des 90’s, j’ai cédé à la tentation STAMINA. Sans révolutionner la méthode de fermentation les deux moines de la distillerie lâchent une bouteille Single Barrel 100% orge de classification HH et rien que pour ça, la cuite est de mise et en plus : sans mal de crâne !
Chronique réalisée par Drill : http://thadrill.blogspot.com
Sa note : 16/20