A chacun sa route, du départ à l’arrivée, chacun évolue selon ses choix, ses destinations. Si les itinéraires ne se ressemblent pas, ils sont parsemés d’embuches que l’on évite, qui nous font trébucher ou même stopper. Les routes évoluent selon notre expérience et celles empruntées il y a 5 ans ne sont plus forcément celles que l’on souhaite suivre maintenant. Itinéraire Bis en somme comme le nommeFlynt pour lâcher son deuxième album. Un album qui porte bien son nom car l’homme n’est plus le même, la vie lui a permis des déviations, c’est donc comme un vieil ami que l’on redécouvre quand Flyntdécroche de nouveau le micro. Mais l’itinéraire bis dans lequel Flynt conduit son public est peut-être plus périlleux et dangereux qu’il ne l’aurait pensé. Itinéraire Bis ou plutôt itinéraire d’une sortie de route…
5 ans que Flynt a disparu des écrans GPS du rap français, 5 ans que J’éclaire Ma Ville continue de ressortir dans les enceintes de la chaine Hi-Fi avec cette question : Flynt peut-il réitérer ce coup d’éclat avec un second album ? 5 ans un chiffre réfléchi loin des dictats du buzz et des obligations des maisons de disques. La dureté de l’indépendance laisse des séquelles et si 5 ans laisse à penser que le gars a pris son temps, il y a certains aléas qui peuvent se transformer en frein. 5 ans donc, pas plus pas moins, et une galette qui se veut innovante et capable de surprendre l’auditeur. Un pari musical audacieux au premier abord qui à la fin se solde par une incompréhension dans la réflexion et dans la direction musicale, une espèce de « je t’aime moi non plus » entre heads trentenaires…
5 ans c’est surement rien en termes de vie mais c’est assez pour changer les choses, bouger les murs et secouer les acquis. C’est donc un Flynt changé que l’on retrouve sur cette seconde galette, un mec qui lâche son CV avec fierté, indépendant, papa, marié, essayant de survivre financièrement là où le rap lui créé des trous dans le porte-monnaie. Un mec fier de son parcours au fond et qui n’a pas de syndrome d’infériorité à parler rap et diplôme sur un morceau. La comparaison lyricale est forcément de mise, point très fort du mc, Flynt est un créateur de rimes, il ne les pose pas, il les attrape, les défonce et les achève histoire d’être sûr d’avoir la combinaison optimale. Sur Itinéraire Bis, Flynt baisse le régime des rimes chocs pour construire une sonorité lyricale globalement solide, le mec ne rap pas des lignes mais une histoire, vrai narrateur, écouter Flynt c’est comme boire un coup avec un pote : parler de tout ou rien, taper des coups de gueule tout en passant un bon moment (Mon Pote). Intime, Flynt prend personne de haut, se met à sa place et pas à la nôtre (J’ai choisi Mon Camp), partage ses angoisses en tant que père (Homeboy), regarde en arrière sans peur, et prend les choses comme elles viennent. MaisFlynt comme tout le monde à ses travers et à force de vouloir vendre son indépendance (La Ballade des Indépendants), on se demande s’il ne cherche pas à attirer une certaine compassion ou des félicitations d’avoir rendu possible ce qui semble impossible. Bref comme tout pote, Flynt peut soigner la forme ce n’est pas pour ça que l’on secouera la tête à chacun de ses seize. Flynt est donc un talentueux lyriciste ce qui lui permet de combler un flow plutôt bourru et très monocorde, si sur J’éclaire Ma Ville l’ambiance sonore permettait d’éclipser ses défauts le virage musical est lui sans pitié et ne laisse aucun doute sur une bonne partie de ses prestations : poussif, peu fluide et lourd, Flynt n’est pas à son aise et réciproquement on se s’en mal à l’aise pour lui, comme un espèce de « ah ouais merde » de compassion on se dit que le prochain titre rétablira la donne mais le mal s’installe dès le début (Haut La Main, Les Clichés ont la peau dure) et si des moments de grâce nous rassurent (J’en ai Marre de Voir Ta Gueule, La Ballade de Indépendants et Mon Pote), on est surtout soulagé de voir certaines têtes apparaître en guest. Et bizarrement c’est surement Orelsan qui décroche la palme sur le duo mon pote,Demi Portion, Nasme et Dino se fondent dans le décor et la thématique là où Flynt semble perdu (vraiment le cas sur J’ai choisi mon camp). Quelques renforts aux refrains entre la partie chantée par la très belle voix de Calamity Jeanne et le côté bourrin de Tiwony (lui aussi perdu sur l’instru de Toujours Authentique, une prestation inutile), doit-on mentionner Tairo sur J’en ai marre de voir ta gueule compte tenu de sa participation plus que minimale ? Mais au final, on pourra tirer vers le haut ou vers le bas cetItinéraire Bis, la vraie problématique se trouve dans l’adéquation entre Flynt et sa ligne musicale, un virage recouvert d’une plaque de verglat…
Vous aviez été surpris par le virage synthétique de Tout Brule Déjà du groupe La Rumeur et bien Flyntremet le couvert et nous prend complètement à contrepied. Fini les gros samples soul-funk, soulful traditionnels et bonjour les productions éclectiques et synthétiques, un changement complétement assumé du début à la fin de l’album. Mais voilà, en se repositionnant, en se réadaptant ou en se faisant plaisir par cette nouvelle route musicale, Flynt s’expose considérablement et en sort amoindri. Si les rimes font mouches, les intrus ne sont pas un cadeau pour le flow de Flynt, on le sent hésitant et rigide. Pourtant le travail des producteurs n’est pas à remettre en question, si la vibe choisie peut faire débat, le travail fourni est lui hors de tout soupçon (enfin presque). Auteurs de 60% des productions, lesSoulchildren ne sont pas des inconnus pour Flynt pour autant c’est sur leurs instrus que le mc va révéler le plus de faiblesses, sons synthétiques bien propres, on sort des encarts musicaux plus sombres du premier opus ce qui au final déçoit plus que surprend. Autres beatmakers présents et qui sortent vainqueurs de cet album c’est Nodey avec deux instrus très bons dont Haut La Main trop lourde pourFlynt et le très épuré Mon Pote et avec La Ballade des Indépendants : Angleflex signe le meilleur titre. Les déceptions musicales sont signées Soulchildren pour Quand Tu S’ras Mort et Toujours Authentique(ce n’est pas que la faute de Tiwony) et le titre éponyme Itinéraire Bis composé par Fays Winner (c’est très faible).
En bon conducteur de berline rappologique, Flynt a voulu nous impressionner en empruntant l’Itinéraire Bis, ce qui devait être un road trip tout confort pour les oreilles se transforme dès les premières minutes en une mauvaise reprise de Christine… les freins ont lâché pour Flynt est au bout de la route il y a ce virage mal interprété qui se fini le dans le platane, un froissement de taule inattendu et plutôt triste…
Chronique réalisée par Drill : http://thadrill.free.fr
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