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Dj Brans et Gueule d'Ange - Sale temps pour un indé [Chronique]

Accoudé au zinc du bar du coin, tu te demandes encore comment la situation économique de ton quotidien a pu en arriver là. Entre les gros titres de la récession et les théories franc-maçonniques ou digne d’un schizophrène  alimenté à la thèse Illuminati de ton voisin de comptoir, tu as ta ration quotidienne de mauvaises nouvelles et tu te dis qu’un coucou à ton banquier pourrait te sortir de la fosse où tu t’es enfoncé. Mauvaise idée ! Car oui jeune frelon, tu te trompes d’interlocuteur, ce qu’il te faut c’est un spécialiste un rap indépendant. Mais attention un bien français qui t’expliqueras que l’indé c’est la merde : auto production, auto promotion, budget au rabais, prestation gratuite, mépris des médias et fan base très loin de représenter les ventes de ton album. Bref pire qu’un ouvrier de la sidérurgie, le rap indépendant c’est la vraie précarité, alors arrêtes de faire chier. Et si tu ne savais pas, suffit d’écouter pour entendre le grondement plaintif et digne d’un chagrin d’amour d’adolescente du rap indépendant. Situation de victimisation aussi bien réelle que clairement imputable à leur propre pomme (quand on est mauvais, c’est pas la faute du public), on aurait envie de faire la queue au resto du cœur avec leur cd histoire de leur donner à grailler ou alors de les inviter à vendre une bonne fois pour toute leur derche à l’industrie histoire de nous faire une Yannick et arrêter de nous gaver… Mais bon généralisé ce constat c’est inclure l’ensemble des acteurs du mouvement et donc mettre tout le monde de l’underground dans le même panier, ce qui n’est clairement pas le cas. L’indé c’est aussi une chance et la possibilité de marquer l’histoire avec un projet qui a vraiment de la gueule et qui est à l’image de ses auteurs. Sale Temps Pour Un Indé ? Surement, mais réellement une opportunité pour DJ Brans et Gueule d’Ange, y a encore de l’or dans les caisses !

Temps de merde généralisé, y a pas que la météo qui déraille alors pourquoi ne pas en profiter pour lâcher la morosité actuelle et se réchauffer les oreilles avec un projet qui tient la route. DJ Brans à la production et Gueule d’Ange au micro, l’alchimie n’est pas qu’une question de connexion mais de durée, 7 ans,  et sur ce point on sent la complicité bien au-delà de l’artistique. On aurait pu avoir une démonstration qui part dans tous les sens mais la personnalité des deux protagonistes prend le dessus sur l’ensemble de la galette. Et au-delà de ces explications, c’est surtout deux univers différents qui s’entrecroisent tout le long de cet opus.

DJ Brans, le nom évoque du solide avec deux projets d’envergure internationale, le DJ/producteur fait partie de cette nouvelle garde au potentiel assuré.  Start Ya Bids, première cartouche auditive maîtrisée, premier palmarès et surtout une vraie rampe de lancement pour le duo Dirt Platoon. S’ensuit alors son projet Branstorm qui confirme la patte de Brans grâce à un casting taillé dans le bitume. On ne change rien et on ne va pas s’en plaindre car le travail de Brans sur Sale Temps Pour Un Indé est millimétré comme un fusil de sniper et sent l’assurance d’un Tom Berenger dans le rôle de Beckett. 15 beats dans la ligne droite de son travail puisant aussi bien la lignée américaine (Boston Connexion, on ne tourne pas le dos à ses influences premières) que dans le vécu du rap français (Tous de Passage). Une distribution digne d’un caviar pour Gueule d’Ange avec des moments de hautes volées comme Rien n’est Impossible8 Bars pour 1 IndéJeune & ConL’enfer Du Décor, on s’arrête là car il y a peu à éliminer sur le choix des productions. On notera que Brans s’entoure toujours de Dj Djaz pour les scratches et c’est tant mieux.

Gueule d’Ange, dans un monde parfait on chercherait souvent des critères techniques très pointus pour définir le niveau d’un mc : flow parfait à la Lino et lyrics dignes d’un Oxmo Puccino. Mais avec Gueule d’Ange on rentre dans la catégorie des mcs avec un vrai charisme qui en impose quand il pose. On pourrait relever certains défauts de placement ou une plume très directe mais le mc balaye ses défauts par sa présence. Le mec est là, pas derrière le beat, mais au même niveau donnant ainsi une vraie valeur au taff de DJ Brans. Le titre de l’opus aurait pu amener à une complainte de 50 minutes à se chatouiller la nouille criant misère sur sa situation sociale mais ce n’est pas le caractère du gars. Les pieds dans la merde ne l’empêchent pas d’avancer, Gueule d’Ange c’est un peu la famille, on se retrouve en lui, problème de trentenaire mais une mentalité qui dépasse les barrières de la frustration. Crâne rasé et démarche de brolic derrière le microphone, Gueule d’Ange donne de la voix et fait terre des bouches (Lèves Ton Putain d’Oid En l’AirNous). Ancré dans le présent, le c’était mieux avant ne semble pas avoir pignon sur rue (même si les moments de nostalgie sont là, Jeune & Con), Gueule d’Ange c’est une dose de pragmatisme (Tu Veux Que Je Te Dise) avec une envie d’aller de l’avant (Rien Est impossible,  Avec Mon Papa). L’attitude on la retrouve aussi au niveau des guests, un choix en adéquation avec le bonhomme : C-Sen, Mayday, Malik Zuitdi, Brabra, Dar-C, Strs, 2spee Gonzales, Babali, Morad, Aki La Machine, O-Tonio, Stelio, Nasme, Gueule d’Ordure et Dino (sans oublié la touche américaine de M-Dot habitué aux beats de DJ Brans), un casting qui n’a pas besoin de gesticuler pour interpeler nos oreilles.

Et puis il y a ce vrai clin d’œil en fin d’album, une tradition oubliée, laissée de côté depuis  des lustres et pourtant une arme dévastatrice : le posse cut ! 8 Bars pour 1 Indé, la démonstration de force par excellence, un beat digne d’un street banger et un casting de 13 mcs venus lâcher 8 bars en mode compétition. Bref c’est du curry sur le poulet qui donne à la galette toute sa saveur.

Sale Temps Pour Un Indé est une putain d’éclaircie pour nos oreilles, porté par deux personnalités, DJ Brans et Gueule D’Ange, l’album se place directement dans le palmarès de l’année. Plus ancré dans la réalité que dans la morosité, on ne pourra que conseiller à certains mcs à la larme facile de s’en inspirer car on peut kicker sur un beat sombre et triste sans pour autant se tirer une balle dans le micro…

16/20

Chronique réalisée par Drill : http://thadrill.free.fr

Snippet de l'album :

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