Juin 2009, la maison de la métallurgie se transforme pour devenir pour une journée le temple du Hip-Hop Parisien. Journée de clôture d’un Hip-Hop festival encore ingénieux dans ses affiches (surtout niveau tête d’affiche..), Parisiens lambda, voisins du quartier, Hip-Hop headz, bboy et bgirl, graffiti artistes et même bobo en recherche d’identité se côtoient sans embrouille. L’air est doux, chacun vit son moment à sa façon : démonstration de graf, documentaires sur grand écran, battle improvisé dans l’entrée. Au sous-sol Kohndo, l’unique, met la touche finale à l’ouverture de l’open mic. Bienvenue dans les souterrains de Paname, là où pullulent un nombre indéfinis de mc, de l’amateur du dimanche au poids lourd unda attendant son heure de gloire. Ambiancé royalement par un Kohndo toujours livré corps et âme au rap, les participants enchaînent les prestations : stress, excitation, bafouillage, égotrip, blanc, punchlines, le spectateur néophyte rentre au fur et à mesure dans l’ambiance se synchronisant sur le hochement de tête des afficionados. C’est au prochain groupe de venir kicker et choper la couronne, comme un grand frère Kohndo fait les présentations : « Les prochains à venir, je les suis depuis un moment en open mic et contennders, ces gosses iront loin ! Le P.O.S. Crew ! ». 2 ans après l’aventure continue et cette fois, le buzz est assez incroyable pour ne pas à avoir à faire des présentations détaillés du 1.9.9.5.
Alors faisons vite et surtout le plus démago possible : 19.9.5. c’est 6 membres dont 5 mcs : Alpha Wann, Areno Jaz,Fonky Flav’, Nek le Fennek et Sneazzy et un dj DJ Lo’ (enfin un groupe qui intègre à part entière un accro du turntablism !!!). 5 petits cons, diront les détracteurs mais aussi les générations vieillissantes, avec un look de jeunes branchés de la capitale loin du rap de banlieusard. A leur compteur, que dalle, aucune mixtape, aucune compilation de «vrais mc», c’est la merde !?! Non juste le traumatisme laissé à chaque prise de mic dans les open mic. Alors on pourrait s’amuser à trouver un million d’excuses pour pas les aimer mais à force de chier sur une scène incapable de bouger les lignes pourquoi ne pas adhérer à ce phénomène bien plus respectueux de l’héritage des old-timers que le dernier mc soit-disant street killer avec son calbut au niveau des chaussettes pour faire plaisir à tonton Fred ?
Une adhésion, certes, si et seulement si le travail rendu est au rendez-vous. Car entre les mcs lâchés dans les « micros ouverts » prêts à kicker tous mics laissés par terre et les mcs capables de rendre un travail soigné sur galette tout en gardant cette folie juvénile, il y a un pas qu’il faut sauter et avec intelligence ! La Source titre aux multiples références (c’est ou dans le 14 ?), premier EP est donc la lance de rampement avant un projet surement plus fourni sous forme de LP.
Nineteen Ninety Five comme dirait les Pharcydes sur Labcabincalifornia (et que l’on retrouve en référence sur la conclusion du titre éponyme) ou en version française, cherchez pas une prononciation particulière pour ce groupe m’enfoutisme dans l’allure mais quand même très carré dans les studios d’enregistrement. Back in the dayz et donc atmosphère nostalgique pour ces jeunes premiers venus ramener le rap à la source et à la première écoute le message dispersé est bien compris. Pour autant si la forme ne fait pas défaut, le fond de cet EP oscille entre adhésion et doute.
Adhésion d’abord car les prods sont réellement soignées, l’atmosphère musicale distillée en partie par Juliano oblige au respect, le beatmaker équipé de sa SP1200 lâche 5 compositions hétéroclites et sans bavures, grosse confirmation. Adhésion aussi sur les cuts, les références (Pharcyde, IAM, Eastwoo) incitent au respect. Adhésion, car même si le niveau des mcs n’est pas le même, la cohésion marche d’une seule voix. Adhésion car quand les 1995 vont puiser à la source, c’est avec qualité et que ce soit sur le titre éponyme en justifiant leur objectif ou sur A Chaque Ligneaccompagnés par Zoxea on replonge dans une certaine époque où les noms, souvent oubliés, des piliers du rap français rejaillissent comme une évidence. Adhésion aussi, quand on sort de la simple démonstration pour entrer dans l’introspection mélancolique de Laisser Une Empreinte mais aussi quand on repart pour un grand sbeul façonDans Ta Réssoi avec Milliardaire.
Doute, pour leur gourmandise à vouloir en mettre plein la vue avec 8 titres alors que 6 auraient amplement suffis, que ce soit TIP ou Je Brille (surtout ce dernier avec son sample sans réel travail). Doute quant à leur capacité à passer de kickeurs de scène à mcs lyricalement structurés sur CD, là un format plus long y répondra. Doute aussi à entretenir une certaine street credibility quand le niveau lyrical plane dans les triturations post ado symbolisées par le titre La Flemme. Doute car s’afficher comme des trublions demande à minima une certaine folie musicale que l’on ne retrouve pas sur cet EP. Doute aussi à ce que les gars gardent les pieds sur terre face à un buzz plus qu’explosif.
Juin 2011, la Bellevilloise affiche complet pour le concert de la Scred Connexion. En première partie, 1995 est venu défendre son EP devant un public d’anciens (en plus du virage Auteuil). Et comme leur talent scénique est à la hauteur de leur insolence, les plus sceptiques ne pourront dénier leur capacité à foutre le feu sur scène comme très peu d’artistes rap peuvent s’en vanter. Phénomène illusoire ou valeur sûre, le 1995 a mérité son exposition et surtout le droit à exister dans le rap français mais pour autant il leur faudra batailler ferme et avoir une ligne de conduite en adéquation avec leurs racines musicales pour perdurer.
13/20
Chronique réalisée par Drill. Retrouvez ces articles sur son blog : http://thadrill.blogspot.com
