" Il sera forcément différent d’Où Je Vis mais le MC est le même. Ça dépendra de l’ouverture d’esprit des gens. Mais il m’est impossible de partir dans l’optique de dire que je vais faire un meilleur album." Shurik'n
Si Akhenaton sort des albums, des projets régulièrement, on ne peut pas dire de même de Shurik’n. Effectivement le rappeur n’a sorti qu’un seul projet solo durant toute sa carrière. Il faut dire qu’il n’a jamais envisagé d’en construire une en solo. C’est ainsi il y a quelques années de ça, lors d’une tournée, que le membre du groupe Iam eut l’idée de franchir une nouvelle étape dans son parcours en solitaire. Cette intention se manifeste peu à peu et se balade d’oreille à oreille sans qu’aucun détail ne soit dévoilé. Mais cette sortie se fait attendre, tellement attendre qu’elle finit par disparaitre des mémoires de beaucoup d’aficionados. D’ailleurs il ne sera pas le seul à se faire de plus en plus petit. Même ses camarades se font rares. Le départ inattendu de Freeman fera un peu parler d’eux mais sans plus. C’est ainsi que par la suite, comme un poids enlevé, un torrent de nouvelles officielles arriveront en masse. L’annonce du nouvel album d’Iam, la paire Akhenaton et Faf Larage pour un projet commun et enfin Shurik’n prêt à l’élaboration de ce second opus. Le public va alors se réveiller et le classique « Où je vis » resté dans annales refait surface dans les discussions qui lui sont liées. Mais quatorze ans après, Shurik’n a-t-il toujours cette même énergie qu’avant ? Surtout lorsqu’on sait que le dernier album d’Iam envisageait un futur pas très positif sur leur efficacité à produire des sons remarquables.
L’oncle Shu se présente ainsi avec une motivation grandissante. Elle se lit sur les publications effectuées par le rappeur. Tout d’abord un enregistrement à News York où ses teasers nous amènent à croire qu’un invité spécial fera la surprise de « Tous m’appellent Shu ». Mais au final, rien. A part peut être Saams de Coloquinte qui lui reste une énigme sur sa présence sur le skeud, vu qu’il n’apporte rien de valorisant sur le titre « Fugitif 2 ». Mais certains grandes gueules diront vaut mieux cela que d’avoir une demi portion comme invité de marque. Première déception donc. On peut également faire allusion au premier extrait « MC », que Mr Geoffroy Mussard offre à son public. L’accueil de ce morceau est assez froid. Un instrumental très en dessous de ce que l’on pouvait attendre de sa part et un texte désolant : « Je peux comme même dire que quand je l’ouvre, y en a beaucoup ça fait pas rire ». Deuxième déception donc. Ensuite vient la pochette de l’album. Là encore trop s’imaginaient une couverture prestigieuse. On est loin du compte, juste une image qui soit disant représente l’art du graphisme. De nos jours même un amateur du logiciel paint ferait sûrement mieux. Tout cela peut rendre certains nostalgique lorsqu’on repense à celle des albums « L’école du micro d’argent », « Où je vis » ou encore « Ombre est lumière ». Troisième déception donc. Ces enchainements de non-satisfactions gêneront la plupart afin d’écouter avec parcimonie cet album en se demandant si son contenu au fond serait aussi décevant. Effectivement bien des auditeurs attendent énormément de la part de Shurik’n, peut être trop ?
Pour cet album Shurik’n se veut moins sombre que le précédent en rappant sur des sonorités moins larmoyantes en nombre. Toutefois certains titres sont très engagés à l’image de l’excellent « Comme vous », traitant du racisme qui de nos jours semble encore plus d’actualité. Le tout sur un sample de Naruto « Loneliness » légèrement modifié. De plus ce titre est sans doute le meilleur de l’album, un duo avec son compère Akhenaton qui donne enfin envie de réécouter du Iam depuis leur saison 5. Il est vrai que depuis quelque temps la collaboration Akh/Shu semblait un peu se perdre dans la masse de ce qui se fait aujourd’hui. Et comme pour marquer le coup, les deux amis enchaînent avec une deuxième couche, « Le sud » qui est également un titre à retenir absolument. Avec « Dans le ciel », Shurik’n montre que sa verve d’antan est toujours présente. Un flow bien maitrisé sur un beat impeccablement construit à partir d’une mélodie entrainante. Voilà trois raisons donc pour effacer les traces de ces déceptions d’avant. Néanmoins, en exagérant les choses, il donne l’impression qu’il ne sait pas rapper sur le morceau « Tous m’appellent Shu ». En tout cas sa façon d’utiliser des phrasés saccadés et insipides ne plaira pas forcément à tout le monde. Tout cela est donc paradoxal. Avec cet album l’oncle Shu met en avant une nouvelle passion : les refrains chantés. Après s’être laissé aller en tant que crooner sur « Au Quartier », où tout le monde se demandait s’il n’y avait pas de la mythomanie dans l’air, il récidive cette fois-ci sur son propre album. Contrairement à l’époque, ici le rendu est moins bluffant. Cela pourrait même déstabiliser l’écoute, comme pour le morceau « Faut que je m’échappe » où l’instru est irréprochable. Au final après plusieurs écoutes ce titre restera l’un des morceaux incontournables de l’opus pour beaucoup. Ce qui est également dommage avec certains morceaux, c’est ce manque de travail. Comme exemple « Une flamme dans le soir » et « Tranche de vie » où malgré une composition convenable, il manque ce petit truc en plus qui fait qu’on restera l’oreille scotchée sur le son à chaque écoute. En définitif, la lassitude fait son apparition. Cela peut se comprendre par le coté minimaliste que le rappeur souhaite toujours garder dans ses productions.
Il est évident qu’après avoir fait tourner quelque peu le disque, beaucoup auront un sentiment de désillusion. Pourtant cet album renferme des musiques qui pourraient rester mémorables avec le temps. On se laisse même surprendre à aimer de plus en plus certains sons au fil des écoutes. Quelques uns diront qu’il aurait dû créer une ligne directrice afin de structurer avec plus d’efficacité ce deuxième album. Chose qui le caractérisait en partie à l’époque de l’âge d’or du rap français : le délire du Samouraï et autres parties de cow boy avec ses copains d’école du micro d’argent. Mais avec l’âge le rappeur n’a peut être plus la tête aux enfantillages. « Tous m’appellent Shu » est un album à découvrir petit à petit sur la durée. Certes il est loin le temps de « Où je vis » où le rappeur faisait l’unanimité. Cependant cet album est loin d’être mauvais comme certains osent le dire.
Les cinq meilleurs titres pour ma part : Comme vous, Dans le ciel, Le sud, Bombe le torse, Faut que je m’échappe
Après peu d’écoute : 11/20
Après une semaine d’écoute approfondie : 14/20
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