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Scylla - Abysses [Chronique]

Dès les premières notes, les premières lignes, Scylla avertit son auditoire : après la première piste, ce sont dans les Abysses que le natif de Belgique compte nous engloutir. Un sentiment de curiosité se développe, les bas-fonds et le rap c’est une histoire d’amour qui a toujours marché, un brin de solitude, une touche de schizophrénie et une part de fatalisme, rien de mieux pour prendre sa tasse. La dernière noyade traumatisante du rap francophone émanant de Virus, on attend donc un fatalisme microphonique du même acabit. Mais voilà derrière ce décor angoissant que Scylla dresse d’entrée de jeu se cache une chimère car si le personnage est au fond du gouffre alors il en va de même pour tout le monde. Décryptage d’un mirage qui nous met au pied du mur.

L’homme ordinaire

Scylla c’est avant tout une vraie personnalité, une voix de caverne qui donne un aspect d’outre-tombe à ses prestations. Un mc technique qui pose son flow avec aisance sur des beats taillés pour son gabarit. Un poète qui retransmet sa souffrance avec une plume légère qui place l’auditeur en témoin privilégié. Et au final c’est sous ses questionnements le long de cet album que l’on s’aperçoit que sa douleur et sa violence intérieure ne sont pas plus atypiques ni plus bestiales que les nôtres. La révélation arrive dès la quatrième track Répondez-moi où le personnage se questionne et nous interpelle sur ses impressions. Inexistence, incompréhension, le poids de la vie, envie morbide et autres instincts criminels, rien de nouveau sous l’obscurité, la part d’ombre n’est pas une exclusivité et on s’y retrouve forcément sans passer en thérapie. On s’attendait à être dérangé et bousculé pour au final se balader le long des 15 titres en territoire connue. Et si l’illusion marche toujours, on conviendra que l’album a autant de désespoir que d’espoir à revendre, sur Tout A Un Sens, on sort littéralement des abysses pour se redresser comme dans nos vies, un genou à terre ne tue pas, c’est juste une chute, une baffe parmi des milliers que la vie prend un malin plaisir à nous distribuer. Dans le même constat, Rien à Remplacertraite plus d’une nostalgie du temps qui passe, ce que tous nous rencontrons à un moment de notre vie et qui nous rappelle que la vie n’est pas juste une fatalité mais aussi des moments irremplaçables. Et à travers ce constat général, on voit bien qu’il y a un élément dérangeant pour adhérer complétement à l’univers de Scylla, l’avertissement de départ n’est pas suivi d’effet.

Dommage, car le mc revet un réel intérêt avec une plume très efficace. Brutal comme dans Le Salaire De La PeurScylla se positionne dans la grande tradition du rap sans concession et très averti sur le modèle de société actuel. Technique et mélancolique comme dans Langage De Signes ou La Logique D’une ContradictionScylla touche  la corde du violon avec maîtrise, une vraie jubilation lyricale. Il y a aussi ces moments de facilité qui l’auto-sanctionnent, Coupable entre invités pas forcément en adéquation sans être mauvais (R.E.D.K. et Tunisiano) et un texte trop forcé, Abyssale Musique trop bourrin pour être pris au sérieux en comparaison du reste.

La mélancolie mélodieuse

La cartouche de l’album, le détail qui prend le dessus sur tout le reste, la crédibilité du thème desAbysses : une bande son réfléchie et sinistrement mélodieuse. Ça parait simple au départ comme le ditScylla, il suffit d’un breakbeat simpliste avec un violon ou un piano bien triste pour donner une ambiance déprimante à un album. Mais sur les choix des 15 titres ça prend toute son ampleur, Scylla a orienté intelligemment l’album vers une ambiance commune mais tellement mélodieuse que le risque est maitrisé. Ciao les beats minimalistes et casse-gueule et bonjour les belles partitions aux boucles bien amples sans découpes agressives. On se retrouve entre deux tendances,  un fond de breakbeat très Hip-Hop avec une couche de composition harmonieuse permettant au flow de Scylla de faire mouche à chaque fois : Tout A Un SensRien A RemplacerPlume OriginelleLangages Des Signes ou La Logique D’une Contradiction, des morceaux qui jouent dans ce registre avec des airs qui restent facilement en tête. Au-delà de ce constat, on ne peut pas réellement critiquer le travail des beatmakers sur cet album, on sourira juste de l’attitude réfléchie et de vieux Briscard que Scylla adopte sur l’ensemble de son solo

Sur les premières écoutes, il y avait ce ressenti, ce petit quelque chose qui nous dit que cela ne colle pas complétement dans ces Abysses. Une fois le discours relativisé et le choix des beats bien compris, on arrive plus facilement à entrer dans l’univers de Scylla. Un pied dans l’eau et l’autre sur la terre, on se déplace dans cet album sans pour autant craindre d’être aspiré dans les tréfonds.

Drill : http://thadrill.free.fr

 

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