Il en fallut du temps à Youssoupha afin de se faire une place méritée dans le rap français. Il était souvent lancé par des titres irrésistibles à l’oreille réussissant à amplifier l’attente des auditeurs. Mais s’en suivait une baisse de qualité de son, regrettable à la sortie du projet. Rappelons-nous du morceau « A force de le dire », un titre surprenant qui annonçait là un album de génie, un album qui au final finira presque aux oubliettes. A chaque sortie d’un nouvel opus le rappeur nous fait le même coup, nous avons droit comme il le dit si bien, à un éternel recommencement. Le début de ce nouveau jour sans fin reprend durant l’année 2011. Youssoupha se fait alors désirer en créant l’attente : « En noir et blanc ». Cette digitape va engendrer un espoir d’avoir enfin un album à la hauteur de nos espérances. Et dans le but de garder la sauce bien assaisonnée comme il le faut, Youssoupha nous balance également des inédits travaillés avec finesse. Malgré toute cette démarche artistique, ce nouvel album sera-t-il enfin le fruit mérité d’un travail sur la durée ?
« Demande aux ados de Bangkok ce qu’ils pensent de Frédérique ***** »
Les personnes qui le suivent de près, de loin et même ceux qui ne le calculaient pas n’ont pas raté l’épisode Z****** vu l’ampleur médiatique que cela a pris. Cet épisode a duré près d’une paire de quatre saisons. Suite à cela le rappeur ne compte pas s’assagir, mais tente toutefois d’éviter des problèmes en se censurant lui-même sur ce nouvel opus. Tout d’abord l’impossibilité d’écrire « Noir Désir » sur la pochette de son propre album. Pour cause, une appellation déjà référenciée dans les catalogues des vendeurs de disques. Le rappeur avec un cheveu sur la langue ne l’a pas dans sa poche mais néanmoins se fait encore censurer sur « La vie est belle ». Il faut dire que la personne visée ne fait pas partie de la France d’en bas... Même ce clown triste de N******* ne sortira pas de la bouche de Youssoupha sur « J’ai changé ». Ce dernier veut certainement conserver le calme entre lui et ses pairs. Et afin de dénoncer ces plaintes abusives, quelques acolytes, A*****, T*******, M******* * et E****, viennent l’épauler sur « Menace de mort ». Youssoupha n’est pas le premier et ne sera pas le dernier à faire face à cette absence de liberté causée par certaines catégories de gens. Mais cela ne l’empêche pas de griffonner sur du papier jusqu’à l’usure.
Le rappeur soigne comme toujours son écriture mais cette fois-ci la patience est de mise. Le morceau « Espérance de vie » l’atteste, un bon nombre de mesure égale à l’espérance de vie en France. C’est au rythme d’une rime toutes les 24 heures que le titre voit le jour. Par rapport à ses débuts, le rappeur s’améliore de plus en plus et rend un bel hommage urbain à la langue de Molière. Mais parfois le message du rappeur reste incompris par une minorité de personne qui se font passer pour des intellectuelles, telle Natacha Polony totalement à coté de la plaque avec son interprétation de « L’enfer c’est les autres ». Cependant à défaut d’avoir une plume considérable, certains lui attribueront le syndrome de Sinik. C’est-à-dire celui qui reste monotone, celui qui même en changeant de façon de rapper donne l’impression de rapper de la même manière. Cependant Youssoupha est loin d’être ennuyeux contrairement à l’autre. Effectivement à l’écouter de plus près il ne semble pas qu’il soit aussi monotone comme quelques-uns l’affirment. Cela se ressent surtout grâce aux productions que Youssoupha s’approprie aisément.
Pour cet album, les compositions ont été confiées à 15 producteurs différents. Quasiment un par titre. En conséquence, nous notons une pluralité de sons qui forme la globalité du produit. Youssoupha a misé sur le coté varié de l’album. Et ces ingrédients utilisés font mouches : les lignes de guitares électriques sur « L’amour », des échantillons de musiques indiennes sur « J’ai changé », les tam-tams de musique africaine sur « Les disques de mon père », ou encore un grain de pop music avec « Dreamin ». Nous noterons aussi le remarquable et l’inévitable « La vie est belle » utilisant la marque de fabrique du dubstep. Le mélange entre ce style de musique et le rap samplé sonne de façon impeccable. Mais un hic vient toutefois désembellir le morceau sans parler de gâchis : la présence de Kery James. En effet on aurait pu se passer de son intervention qui est caractérisée par un blabla sans intérêt, contrairement aux couplets de Youssoupha. Nous dirons que ce duo s’est fait histoire de marquer le coup entre deux rappeurs qui s’apprécient. Et ajouter à tout cela, l’essence originelle du rap qui construit le reste de l’album.
Noir Désir, voilà un disque où l’on peut savourer l’écriture du rappeur qui pour une fois n’est pas noyée sous des instrumentaux qui ne lui vont pas. Ce troisième album est sans conteste son meilleur à ce jour. L’élaboration de cette galette s’est faite avec patience. Et la persévérance du rappeur lui a donné enfin la reconnaissance médiatique méritée en construisant un album également taillé pour ceux qui n’ont jamais entendu de rap français.
P.S : Au fait, l’espérance de vie en France est de 80 ans.
Les cinq meilleurs titres pour ma part : La vie est belle, L’amour, L’enfer c’est les autres, Espérance de vie, Noir Désir
16/20
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